"lesbian!"

8 mars 2009

Il est une femme que je vénère, et comme tout sentiment excessif, cela m'entraîne sur des lieux non seulement de souffrances mais aussi de violences. Ainsi d'une visite à une oeuvre de Maillol au jardin du Grand Louvre, à une de ses sculptures qui précèdent les quelques marches menant au jardin des Tuileries.

Qu'il retentît cruellement le petit rire esclaffé de la jeune femme, alors que je regardais l'oeuvre du sculpteur, son compagnon lui disant, suffisamment haut pour que je l'entende, le mot "lesbian !". Que cela fût bien joué et bien vu de la part de ce monsieur que de faire rire ainsi sa compagne ! Si il avait voulu troubler vivement la sérénité nécessaire à mon travail, il ne pouvait pas mieux y parvenir !
La violence des femmes est partout. Elle imbibe nos comportements et nos représentations sans que l'on puisse pour l'instant en extraire une quelconque information quant à son origine, son
fonctionnement, sa définition même. Chaque geste, chaque regard, chaque mot, chaque rire peut devenir le lieu d'un saisissement; et par la jalousie de cet homme, peut-être rendu mauvais par dépit, mon âme soudainement désaccordée, et qui plus est sous un soleil radieux, a pu une nouvelle fois le constater.
Maillol, je ne savais pas que tu n'avais sculpté que pour les hommes !
Maillol, je ne savais pas que les femmes n'avaient pas le droit de se mirer dans ton oeuvre !
Maillol, savais-tu cela en dessinant, en peignant, en modelant, en courant soucieux parmi les artisans-fondeurs de l'Air ?
Et quand décontenancée et doutant pleinement, je suis retournée à quelques reproductions sur cartes postales de tes dessins, j'ai bien vu la progression de ta pensée de l'esquisse à la sanguine, au dessin au crayon noir, jusqu'à tes sculptures, et j'ai réalisé alors à quel point un homme quand il ne voit de sa compagne que la chair, n'en voit pas l'essentiel; et tout ton travail Maillol, même exposé, même montré n'a servi de rien pour ce touriste anti-lesbian, mais seulement à chagriner durablement mon âme ce jour-là et tous les jours auxquels il me fît m'en ressouvenir, pour avoir eu l'idée saugrenue de prendre pour muse une femme, et qui plus est, pour avoir eu l'idée saugrenue de la croire si proche de tes ronds-de-bosses en bronze, et en plomb... (Roberta - 02/03/2009)